MNHN-Taxref : liste des orchidées. Lettre ouverte aux botanistes de Guyane
Publié le 10 mai 2021 à 09 h 52 am
Lettre ouverte aux botanistes de Guyane
Macouria, le 10 mai 2021
La liste Taxref sur les orchidées de Guyane est une vaste fumisterie ! Il est urgent de stopper ce brouillon avant qu’il ne devienne hémorragique et que ceux qui, par obligation ou confiance, continuent d’utiliser ce document fantaisiste nous fassent devenir la risée de la communauté scientifique.
Monsieur Léotard, responsable Taxref en Guyane, à travers cette liste d’orchidées, a définitivement signé son je-m’en-foutisme et bafoué les règles les plus fondamentales du Muséum National d’Histoire Naturelle et celles du monde scientifique. Il est vraisemblablement utile de rappeler ici qu’une recherche scientifique n’est pas achevée tant que ses résultats ne sont pas publiés et qu’un nom de taxon ne peut être énuméré dans la liste Taxref du MNHN sans ces publications. Pourtant, plus de soixante dix espèces d’orchidées ne reposent sur aucune référence. Elles sont citées dans cette liste sans aucun aboutissant, ou pire, avec des aboutissants totalement inappropriés, comme si leur objectif était simplement d’occuper une place vide ou de faire trébucher d’ennui ceux qui chercheraient à comprendre.
Cleistes grandiflora (Reichenbach f.) Schlechter et Cleistes rosea Lindley sont deux orchidées jusqu’à ce jour reconnues bien distinctes*. Les deux protologues des auteurs sont parfaitement clairs et, pour le premier, accompagné d’une illustration in extenso compatible à la description. Le Muséum National d’Histoire Naturelle range pourtant, sous la seule appréciation personnelle de G. Léotard, le Cleistes rosea de Lindley dans la synonymie de
Cleistes grandiflora. Aucun auteur ne traite pourtant le premier dans la synonymie du second.
A l’intérieur du dossier taxinomique on trouve pour Cleistes grandiflora, le titre allongé de l’adresse de publication originale, sans pagination précise, et la check-list de Carnevali et al. (2007), citée pour appuyer la présence de l’espèce en Guyane et donner ses différents synonymes. On peut toutefois s’étonner d’une référence additionnelle (Romero-González et al., 2013), totalement inutile ici, puisque en aucun cas le nom du taxon n’est cité.
Pour Cleistes rosea la confusion dans les éléments référentiels devient plus conséquente. On trouve, tout d’abord, pour la présence de l’espèce en Guyane et le nom d’un synonyme, la check-list de Carnevali et al. (2007) et l’ouvrage de Werkhoven (1986). Toutefois, M. Werkhoven n’a jamais cité l’espèce pour la Guyane. Elle devrait être, en toute logique, référencée qu’une seule fois. Etrangement, G. Léotard ajoute une troisième référence pour renforcer la présence de l’espèce en Guyane et, plutôt que de citer au moins dix autres auteurs avant lui, cite son unique publication (Léotard et al. 2017). Beaucoup d’entre nous s’étonneront tout de même que dans cette référence, le nom de Cleistes rosea soit bien là, posé dans les textes, alors que paradoxalement l’auteur l’affirmait déjà, très antérieurement à son article (Léotard comm. pers.), dans la synonymie de C. grandiflora… c’est à n’y rien comprendre !
L’ennui, le véritable ennui – ou pour certain le soulagement de ne plus avoir à perdre du temps à lire toutes ces références inutiles – c’est que ce dossier s’arrête là. Il n’y a rien, absolument rien qui nous permet de constater ou vérifier que l’un est le synonyme de l’autre. La tromperie va même jusqu’aux photos de Cleistes rosea de Guyane dans sa forme pâle, enregistrées sous le nom de Cleistes grandiflora par G. Léotard, et visibles sur le site officiel du MNHN.
Il est impossible ici de discuter de chacun des taxons d’orchidées qui n’ont pas leur place dans cette liste ou qui sont très injustement traités. Tous ont une histoire qui mériterait pourtant d’être révélée. Il est impératif, au nom de la science et de ses obligations, que monsieur Léotard puisse enfin sortir de son sectarisme et publier ses innombrables recherches présentement occultes.
D’ans l’espoir qu’un jour cette liste d’orchidées puisse avoir un sens.
Aurélien Sambin
Directeur du Jardin botanique de Guyane
Directeur et conservateur de l’herbier HJBG (Macouria)
Directeur des éditions scientifiques Richardiana
* Garay, 1978 ; Dodson C. & Dodson P., 1980 ; Christenson, 1992 ; Cremers & Hoff, 1992 ; Dodson & Escobar, 1993 ; Boggan et al., 1997 ; Jørgensen & León-Yánez, 1999 ; Correa et al., 2004 ; Chiron & Bellone, 2005 ; Harling & Andersson, 2005 ; Carnevali et al., 2007 ; Hokche et al., 2008 ; Hokche et al. 2010 ; Forzza, 2010 ; Szlachetko et al., 2011 ; Idárraga-Piedrahita et al. 2011 ; Romero-González et al., 2013 ; Bogarín et al., 2014 ; Dorr, 2014 ; Idárraga-Piedrahita et al., 2014 ; Jørgensen et al., 2014, 2015 ; Pessoa, 2015 ; Baksh-Comeau et al., 2016 ; Szlachetko et al., 2016 ; Léotard et al. 2017 ; Davidse et al. 2021, Sambin & Ravet, 2021 ; Sambin & Aucourd, 2021 ; WCSP, 2021 ; …
Bonjour Monsieur,
Je prends note de votre courrier, des remarques et griefs exposés.
Au sein de taxref, il est possible de faire des notes nomenclaturales et/ou taxonomiques, qui pour le moment ne sont diffusées ni sur l’INPN, ni sur l’API taxref, ni dans les fichiers tableurs. Ce problème de diffusion, dû à la disparité du contenu de ces notes, ne doit pas masquer le fait que Guillaume Léotard a écrit plus de 27.000 notes pour expliquer les décisions nomenclaturales ou taxonomiques réalisées au sein de taxref, ce qui en fait déjà un travail de qualité.
Par ailleurs, ce travail se fait en coordination avec les flores des autres territoires nationaux, elles-mêmes sous la responsabilité de botanistes experts de ces territoires. La qualité d’un référentiel taxonomique ne peut être atteinte sans cette intelligence collective.
Les orchidées représentent un groupe hyper-diversifié dont la systématique est complexe et visiblement passionnelle. Il est très important pour nous d’avoir un retour utilisateur afin de parfaire le référentiel en continu.
Si donc vous voulez faire des remarques sur le contenu de taxref, ce dont nous vous serons gréés, merci d’utiliser l’interface dédiée : https://inpn.mnhn.fr/contact/contacteznous/topic/R%C3%A9f%C3%A9rentiel%20Taxonomique. Cela vaudra mieux que de porter en diffamation, sur place publique, un travail et une personne, qui est une attitude pour le moins inacceptable et indigne d’une volonté sincère de parfaire un référentiel.
Il convient pour tout le monde, je pense, que cet épisode s’arrête maintenant : cette réponse n’en appelle pas une de votre part. Utilisons notre temps et notre énergie à construire.
Cordialement,
Olivier Gargominy, responsable TAXREF
Je vous remercie de votre réponse.
Dans mon courrier du 05 octobre 2020, envoyé à monsieur Léotard et dans celui du 18 octobre 2020, qui vous était adressé, je vous faisais part de mes interrogations, et même de mes inquiétudes, sur la véracité du matériel qui a permis d’aboutir à l’énumération de certains taxons au sein des listes Taxref. Pour ces derniers, dans le même cas que les deux espèces précédemment citées, Cleistes rosea et Cleistes grandiflora, je vous écrivais que les dossiers référentiels étaient totalement vides, sans aboutissant, ou avec, mais toujours inappropriés. En outre, je m’interrogeais sur la possibilité que plusieurs espèces, nouvelles pour le département, jusqu’alors connues seulement de nos recherches personnelles et citées pour la première fois dans l’ouvrage des orchidées de Guyane (Sambin & Ravet, 2021), puissent apparaitre antérieurement dans la liste Taxref, sans aucune référence, sans aucun matériel dans les collections des différents herbiers (CAY et P) et sans aucune illustration. A tout ce long discours, je ne regrette qu’une seule chose : que vous n’ayez eu aucune réaction à mes différents courriers et multiples relances. Et je ne parle pas de vos différents formulaires pourtant dûment remplis…
Vous incitez une collectivité à garder son énergie et son temps pour construire mais j’aimerais signifier que la construction passe avant tout par la compréhension et qu’il est ici, compte tenu du vide référentiel pour de trop nombreux taxons d’orchidées de Guyane, de l’opacité actuelle de ces « notes taxinomiques », et de mes différents courriers qui sont restés sans réponse, extrêmement difficile d’aller quelque part.
Pour apporter un peu de lumière, et pour révéler enfin les raisons de la confusion générée au sein de la communauté scientifique guyanaise par monsieur Léotard depuis maintenant un peu plus de neuf ans, pourriez-vous nous communiquer la note explicative nomenclaturale de Cleistes rosea et Cleistes grandiflora ? Au vu de vos écrits, il est évident que cette dernière ne sera en aucun cas utilisée autrement qu’à bien comprendre les motivations d’un tel changement de statut et à apprécier, à sa juste valeur, le travail réalisé par ce dernier sur les orchidées de notre département.
Afin de parfaire ce référenciel et d’éviter qu’il continue d’engendrer d’autres confusions importantes, il me semble urgent que vous puissiez trouver des solutions pour que chaque taxon, en cas de doutes ou de changements de nom, et surtout sous l’absence totale de référence bibliographique ou même de matériel, puisse être plus largement discuté. Les responsables botanistes œuvrant pour Taxref doivent rester conscients que les noms d’espèces remaniés dans vos listes et dépourvus d’aboutissant, utilisés par confiance ou obligation, se retrouvent déjà de manière inappropriée, en tout cas pour les orchidées de Guyane, dans différents herbiers, dans de nombreux rapports ou quelques publications.
Cordialement
Aurélien Sambin
Cleistes rosea forma pallida